En France, en 2023, prendre le train est sans conteste le meilleur moyen de se déplacer écologiquement. Mais avec des prix très élevés qui faussent le match avec l’aérien et des soucis de fiabilité qui tendent à être résolus, les Français sont tentés de voir ailleurs.
Les retards en gare représentent un coût supplémentaire répercuté sur le billet. Ruben Christen
Si les Français sont encouragés à privilégier le train, c’est en raison de sa faible empreinte carbone. Par personne et par kilomètre, le train pollue quatorze fois moins que l’avion et huit fois moins que la voiture selon l’Agence de la transition écologique (ADEME). Le train, c’est aussi 0,3 % des émissions du secteur des transports dans le pays, selon les chiffres de l’association Réseau Climat France. Des données encourageantes, qui devraient évoluer dans les années à venir si la SNCF tient son engagement zéro émission de CO2 d’ici 2050. En 2018, le Commissariat général au développement durable (CGDD) annonçait que le nombre de voyages effectués par les Français était passé de 14,1 % à 16,7 % entre 1994 et 2016. Mais la part de l’avion progresse elle aussi passant de 5,1 % à 9,5 %.
En termes de kilomètres parcourus au total par les Français, c’est aussi l’avion qui gagne la course avec une part de 42,6% selon le CGDD en 2016.
Pourtant, des difficultés subsistent pour les usagers, alors réticents à opter pour ce moyen de transport.
Des prix trop élevés
Une empreinte carbone moindre, certes, mais des prix souvent trop élevés pour les usagers. « C’est déprimant de se dire que lorsque l’on souhaite faire des efforts pour la planète, on ne nous facilite pas la tâche », regrettait Émilien, un Nantais de 31 ans dans Libération en juillet 2023. Selon une publication de l’Insee en 2022, le prix des billets de train a augmenté de 10 % depuis septembre 2021.
Dans un rapport publié en juillet 2023, Greenpeace affirme qu’un voyage en train est en moyenne deux fois plus cher qu’en avion en Europe.
Mais quelles sont les raisons de prix aussi élevés ? Dans un article publié en juillet 2023, le Figaro Économie rapporte un manque de concurrence : “Sur les autres lignes TGV où elle reste en monopole, la SNCF ne fait pas baisser sa grille tarifaire.”
Autre raison, le prix des billets d’avion défie toute concurrence. En cause, les aides publiques aux aéroports français, leur permettant d’offrir des prix plus intéressants pour les voyageurs. Un manque à gagner chiffré à 5 milliards d’euros selon l’association Transport & Environnement.
Enfin, les nombreux problèmes techniques causant des retards fréquents, les grèves à répétition, ou encore les avantages et droits acquis par certains salariés… Toutes ces charges importantes auraient un impact sur les prix des billets de train, rapporte le média Challenges.
Question de fiabilité
Concernant la fiabilité, le TGV montre des qualités solides, à la hauteur de l’aviation civile. Selon l’Autorité de la qualité des services dans les Transports (AQST), en 2019 sur 218 000 TGV ayant circulé, 11% étaient en retard, et 1,5% annulés. Côté transport aérien sur la même période, 13% des 196 000 vols intérieurs étaient en retard et 0,25% annulés.
Le constat est plus inquiétant pour son cousin régional le TER, plus fréquenté par les Français. Les annulations en série ont été pointées du doigt en 2021 par l’UFC Que Choisir : « En 2019, près d’un TER sur dix n’a pas pris le départ (9,7 %). »
Le taux de retard reste, lui, comparable avec le TGV et monte à 10% des TER ayant roulé en 2019. Mais le TER étant utilisé dans la vie de tous les jours, le chiffre a du mal à passer : « Au total, le taux de fiabilité réelle des TER français n’a été en 2019 que de 81,3 %, ce qui signifie qu’un abonné effectuant un aller-retour par jour subira en moyenne deux retards ou annulations par semaine ! La France est d’ailleurs en wagon de queue dans le paysage européen. »
Même son de cloche ou presque du côté des Intercités. Le 11 novembre dernier, Le Parisien soulignait l’état alarmant de ces lignes abandonnées au profit du développement des LGV. A la charge de l’État, elles sont pourtant centrales dans l’objectif de décarbonation des transports.
Clément Beaune, ministre délégué aux transports évoquait ainsi « un abandon collectif » mais assurait au Parisien : « Nous sommes en train de renverser la tendance : j’en ai fait un combat politique prioritaire. »
Fin 2022, la SNCF annonçait avoir rectifié le tir en atteignant 92,3 % de trains à l’heure. Autre frein sur le réseau, le manque de conducteurs dans certaines régions.
Et tandis que la qualité de service semble s’améliorer sur les lignes du quotidien, la fréquentation des TER repart à la hausse. « Fin 2022, les TER transportaient 1,2 million de voyageurs par jour, contre 1,1 million en 2019 », a expliqué le directeur national des TER Jean-Aimé Mougenot aux Dernières nouvelles d’Alsace. Conséquence des trains bondés par des usagers qui prendraient plus en compte l’urgence climatique à en croire la SNCF.
Besoin d’un coup de pouce politique
Certains comme l’ONG Action Climat croient dur comme fer au potentiel du ferroviaire.
Selon un rapport de 2021 de l’ONG, le réseau ferroviaire tel qu’il est établi actuellement serait même en capacité d’absorber l’intégralité des passagers de l’aérien pour les vols de moins de 4 heures.
L’ONG plaide ainsi, chiffres à l’appui, pour une suppression pure et simple des vols en cas d’une alternative de moins de 4 heures en train, contre les 2 h 30 actuellement instaurées dans la loi Climat.
De son côté, pour rendre le secteur plus attractif, le ministre s’est engagé à mettre en place un « pass rail » sous la forme d’un abonnement à 49 € par mois pour l’été 2024. Il offrirait un accès illimité aux TER et aux Intercités du réseau SNCF.
Malgré les difficultés que la SNCF et l’État tendent à rectifier, le réseau ferroviaire français a les atouts nécessaires pour le match contre l’aviation. Pour le climat, il est souhaitable qu’il le gagne.
Thomas Baudoin et Marion Billard