Ce jeudi, faute d’accord, la Commission européenne renouvelle l’autorisation du glyphosate jusqu’en 2033. Le 13 octobre dernier, les 27 pays de l’Union européenne avaient échoué à s’entendre sur la réautorisation du glyphosate. La France s’était d’ailleurs abstenue.
Les agriculteurs européens auront recours au glyphosate jusqu’en 2033. Needpix.com/Maxmann
La Commission européenne, à l’origine du texte sur la prolongation du glyphosate, cet herbicide controversé, renouvelle son usage pour les dix prochaines années. Les membres n’ont pas atteint la majorité qualifiée requise pour approuver ou rejeter le texte. Ce jeudi, faute d’accord, c’était donc à la Commission de trancher. Une situation qui fait écho au précédent vote. On fait le point.
Des divergences européennes
Lors du vote du 13 octobre, « la majorité requise pour adopter (ou rejeter) la proposition n’a pas été atteinte », a indiqué l’exécutif européen dans un communiqué. Autrement dit, il était nécessaire d’avoir 55% des États membres exprimant un vote favorable (15 États sur 27) et qu’ils représentent au moins 65% de la population de l’Union européenne. Sachant que la France et l’Allemagne représentent à elles seules près de 150 millions d’habitants, leur abstention ne pouvait aboutir à la majorité qualifiée.
La France s’est abstenue
Il existe des divergences concernant le glyphosate entre les deux pays. « Berlin affiche une opposition à tout renouvellement du produit, Paris souhaite pour sa part maintenir l’autorisation jusqu’en 2030 », expliquent nos confrères du Monde. En effet, la France est favorable à une prolongation de 7 ans et non 10 ans comme le propose la Commission européenne.
Lors d’une interview chez nos confrères de France Info, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, campait sur ses positions. « La position de la France est simple. Là où il y a des alternatives, il faut que l’on continue à les pousser pour avoir une trajectoire de réduction, là où il n’y a pas d’alternative, on cherche pour essayer de trouver ». Pour autant, la décision de la France semble déjà prise : « S’il n’y a pas de changement, il n’y a pas de raison que le vote change ». Et pourtant, à ce moment-là, il y avait urgence à trouver un compromis, car l’autorisation actuelle de l’usage du glyphosate expire le 15 décembre prochaine.
Un herbicide controversé
Ce vote anime à nouveau le débat sur l’utilisation ou non de cet herbicide dans l’agriculture européenne. Le glyphosate est utilisé pour tuer les mauvaises herbes et favoriser le développement des cultures. Il est commercialisé au départ par Monsanto, dans les années 1970, sous le nom de RoundUp. Se pose alors la question de savoir si son usage est dangereux ou non sur la santé humaine, depuis qu’il est l’herbicide le plus utilisé à travers la planète. En 2015, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), a classé l’herbicide comme « un cancérogène probable » pour les humains. Des conclusions confirmées en 2021 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Mais en 2023, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) « n’identifie pas de domaine de préoccupation critique » du glyphosate chez les humains, les animaux ou encore l’environnement. Le rapport signale cependant « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés. Auparavant, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) décrétait que « les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène », rappelle un article de TF1.
Un impact sur la biodiversité
L’enjeu de ce vote est crucial sur l’avenir de la biodiversité en Europe. L’usage du glyphosate a des répercussions désastreuses sur les vers de terre. Ces derniers participent à la fertilité, à la perméabilité des sols et à la régulation du cycle de l’eau. Des scientifiques ont signé une tribune dans Le Monde dans laquelle ils démontrent les répercussions de l’herbicide sur l’environnement. Mais surtout, ces scientifiques affirment que les agences européennes délaissent les études scientifiques pour établir leur rapport final. Rapports sur lesquels la Commission européenne s’appuie pour rendre son verdict.
Aurélien Billaut